Comment les lobbys imposent ils le gaz de schiste à l'europe ? [3 questions à... Laura Weiss]

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Le 22 novembre dernier, le Parlement Européen a rejeté un amendement proposé par plusieurs groupes parlementaires et demandant un moratoire sur  la fracturation hydraulique. Quelques jours plus tôt, le Corporate Europe Observatory (CEO) publiait un rapport intitulé « Plein gaz » sur les lobbys du gaz de schiste à Bruxelles. Nous avons posé trois questions à Laura Weiss, son auteur.

1- Qui sont les différents lobbys du gaz de schiste à Bruxelles et comment les reconnaître ?

Tout d'abord, il y a les lobbyistes des grandes entreprises pétrolières et gazières comme Total, les multinationales polonaises PGNiG et Statoil ainsi que des multinationales américaines comme Chevron ou ExxonMobil.

Leur travail est soutenu par des associations d'industriels telles que l'Association Internationale des Producteurs de Pétrole et de Gaz (OGP) et Shale Gaz Europe qui ont beaucoup de pouvoir.

Il faut ajouter à cela que de nombreuses entreprises embauchent des cabinets de lobbyistes spécialisés sur la manière d'influencer les politiques européennes. Burson-Marsteller et Fleishman-Hillard sont les deux plus gros cabinets. Il est cependant très difficile d'avoir une vue d'ensemble complète de qui est un lobby sur quel sujet et du budget dont il dispose car les informations qui se doivent d'être déclarées au Registre de Transparence de l'Union Européenne sont peu nombreuses et bien souvent très vagues.Dans le cas des gaz de schiste, la plupart des lobbyistes les plus actifs sont au Parlement Européen. Par exemple, des eurodéputés polonais, soutenu par leur gouvernement, ont tenté de dépeindre une vision édulcorée du développement des gaz de schiste. Ce sujet a également été l'une des priorités pendant la Présidence polonaise en 2011.

Pendant cette période, le gouvernement polonais était le 3ème plus gros financer (plus d'un demis million d'euros) du cabinet Burson-Marsteller.

2- Quelle est leur stratégie et qui sont les cibles principales ?

L'objectif principal des industriels était d'éviter tout cadre réglementaire européen pour l'extraction des gaz de schiste. De plus, les industriels chantent les louanges des gaz de schiste en les présentant comme une source d'énergie future relativement peu chère et même bénéfique pour l'environnement, tout en espérant les rendre éligible aux fonds dédiés aux énergies renouvelables. Afin d'atteindre leur but, les lobbys tentent directement d'influencer les décideurs politiques (Les officiels de la Commission, les eurodéputés et leurs assistants etc.) en envoyant des papiers de positionnement à l'occasion de rendez-vous personnels ou pendant l'une des nombreuses conférences sur les gaz de schiste principalement financées par les industriels.

Cela n'est bien sûr que la partie visible de l'iceberg car énormément d'activités de lobbying sont impossible à tracer. Il faut ajouter les forums informels entre les entreprises et les eurodéputés comme le Forum Européen de l'Energie (EEF) qui fournissent une plate forme exclusive pour que les industries gazières puissent communiquer leurs positions aux décideurs politiques.

La plupart des multinationales essayent également d'influencer l'opinion publique en mettant en place des plate formes d'informations « neutres » sur Internet (par exemple : www.europeunconventionalgas.org) ou en finançant des études scientifiques minimisant les risques et exagérant les bénéfices des gaz de schiste.

3- Le parlement européen vient de voter un rapport de la commission environnement plutôt pro gaz de schiste, tout en refusant un amendement qui demandait un moratoire. Peut-on y voir l’œuvre des lobbys industriels?

Le rejet du moratoire est certainement ce que les lobbys espéraient. Ils ont mis en place toutes les parades possibles afin de convaincre les décideurs politiques des bénéfices de l'extraction des gaz de schistes. Cependant, il est impossible de dire si les eurodéputés auraient ou non votés le moratoire sans la présence continue des lobbys. Par contre, ce que nous savons est que la bataille pour s'attirer la faveur des eurodéputés a été, comme d'habitude, très injuste puisque des multinationales comme ExxonMobil sont capable de dépenser d'énorme somme d'argent pour les activités de lobbying, ces sommes excédants même le budget annuel d'une grosse ONG environnementale comme les Amis de la Terre Europe.

Pendant que les Amis de la Terre Europe et Food and Water Watch faisaient du lobby pour l'interdiction de la fracturation hydraulique, une organisation dénommée « Coalition Citoyenne pour des Énergies Responsables » (RECC) a tenté de convaincre les eurodéputés sur les bénéfices du gaz de schiste, en mettant en place une exposition juste avant le vote en plénière et ce, juste devant la salle plénière du Parlement de Strasbourg.

Si vous vous demandez pourquoi une initiative citoyenne a jugé nécessaire de se déplacer jusqu'à Strasbourg afin de plaider en faveur des gaz de schistes, vous avez raison : RECC est en fait un groupe mis en place par les industriels polonais dont PGNiG etc.

Pour aller plus loin :