#gazdeschiste: 3 questions à @Denis_Baupin sur le Rapport Bataille/Lenoir

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La semaine dernière, un rapport sur les alternatives à la fracturation hydraulique était présenté à l'Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Techniques (OPECST) par deux députés ouvertement pro gaz de schiste Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir.

Denis Baupin, vice président de l'Assemblée Nationale et membre de l'OPECST est l'un des deux seuls à avoir voté contre ce rapport. Il répond aujourd'hui à nos questions.


1- Pourquoi avoir voté contre le rapport de Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir sur les alternatives à la fracturation hydraulique ?

Avec Corinne  Bouchoux, sénatrice écologiste qui siège également à l’Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques,  (Opecst) nous avons voté contre l’adoption de ce rapport, qui vise à relancer une n-ième fois le débat sur les gaz de schiste en France, sur la base d’un parti pris idéologique minimisant impacts environnementaux et économiques. Alors même que l’objet du rapport portait sur la recherche en techniques alternatives à la fracturation hydraulique, les rapporteurs les renvoient toutes à d’improbables études ultérieures, et confirment qu'aucune ne se révèle pertinente d’un point de vue environnemental et économique. Mais ça n’est que pour mieux se consacrer à l'apologie d’une fracturation hydraulique, repeinte pour l’occasion en vert, présentée comme ayant finalement des impacts dorénavant maîtrisables… mais sans jamais préciser à quel coût et au regard de quels critères.

Nous avons contesté ce rapport sur le fond car il présente avec un a priori positif systématique l’usage des gaz de schiste, négligeant  leur impact négatif en matière de Gaz à effet de serre, alors même que la France vient de se voir confier la conférence climat de 2015, l'engagement du Président de la République de réduire de 30% notre dépendance aux fossiles d'ici 2030, qui passe par une transition énergétique sobre en fossile, l’absence de pertinence économique, alors même que le rapport mentionne les études reconnaissant que le modèle économique américain des gaz de schiste n'est pas reproductible en France, que l'exploitation en France n'aurait aucun impact de baisse des prix du gaz, et que l'interdiction de la fracturation hydraulique n'a pas d'impact économique négatif.

Nous avons également dénoncé sur la forme le caractère partial du choix des auditions menées. Plus de 80 % des personnes auditionnées sont favorables aux gaz de schiste et l’on peine à trouver la présence d’experts critiques. En fait, l’intérêt de ce rapport restera d’avoir fait la démonstration, par ceux-là mêmes qui en faisaient la promotion, qu'il n'existe pas de technique "propre" d'utilisation des gaz de schiste

2- Comment expliquez-vous que les parlementaires et l'OPECST - moins les deux voix écologistes - aient voté à l'unanimité pour la promotion de la facturation hydraulique ?

Les auteurs du rapport avaient mobilisé d’autres parlementaires qu’ils savaient acquis à cette cause. L’OPECST est un office qui aurait besoin d’être dépoussiéré, où l’on pratique depuis très longtemps l’entre soi, où le débat contradictoire, la transparence ne vont pas toujours de soi. Ce qui est particulièrement choquant, c’est que lorsqu’ils ont à s’exprimer sur un rapport par un vote - qui de fait engage l’ensemble de l’Office-, les membres de l’Opecst sont contraints de découvrir sur « table » les rapports. Soyons sérieux : comment débattre du contenu de documents qui font plus de 200 pages et dont on ne peut raisonnablement prendre connaissance en si peu de temps ? Echaudés par des expériences précédentes, nous avons fermement demandé à l’Office une communication en amont de ce rapport. Ce qui in fine nous a été accordé mais dans des conditions assez rocambolesques. Le rapport était uniquement consultable 48 heures avant, dans une salle dédiée, et sous surveillance. Il fallait être particulièrement motivés et en capacité de le faire dans un temps si court au regard d’agendas parlementaires  extrêmement chargés. Corinne Bouchoux et moi-même avons été les seuls à faire cet effort. Je plaide pour un dépoussiérage de l’Opecst et revoir ses modes de fonctionnement dans le sens d’une plus grande transparence et d’un véritable lieu de débat. Maintenant la question est : quelle portée politique donner à ce rapport ?

J’ai posé le 27 novembre dernier une question au gouvernement dans laquelle je demandais au ministre de l’énergie de prendre position sur ce rapport. Dans sa réponse, Najat Vallaud Belkacem (Philippe Martin étant absent) a refermé immédiatement le débat que voulait lancer l’OPECST, en évoquant la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre validant sans aucune réserve la loi qui interdit la fracturation hydraulique et du même coup, l’exploitation des gaz et des huiles de schiste sur tout le territoire national. Fermer le ban.

3- Le Ministre de l'environnement vient de refuser de signer la cessation de 7 permis pétroliers (qui visaient l'exploitation de pétrole de schiste dans le bassin parisien) à la société Hess Oil. Comment analyser ce refus? Est-ce une victoire pour les anti gaz de schiste?

C’est une décision courageuse et je m’en réjouis, m’étant fortement mobilisé en ce sens auprès du Ministre. La signature de ces permis aurait constitué un dangereux précédent, rouvrant la porte à ces hydrocarbures non conventionnels dont le Président de la République avait dit qu'ils ne seraient pas exploités pendant son mandat. La veille de cette annonce, j’avais également évoqué ce sujet dans ma question au gouvernement, en soulignant notamment que la signature de ces permis aurait aussi été un très mauvais signal alors que la France s'apprête à accueillir une conférence climat cruciale en 2015.

Indéniablement, tous les témoignages confirment que la mobilisation des associations et collectifs sur le terrain, conjuguée à celle des écologistes politiques dans les institutions - le fait que nous ayons fait prendre position par le Président du Conseil d’Ile de France, de celui du Conseil Général 77, l'action concertée des ministres, parlementaires, élus locaux -  ont été décisives dans la décision, alors même que l'ambiance n'était pas vraiment celle-là il y a une semaine. Oui, tous ensemble et chacun à notre niveau, nous pouvons emporter des décisions cruciales pour redessiner le paysage énergétique de notre pays.

Tous, nous pouvons pousser pour que la France s'engage dans une transition énergétique qui tourne le dos aux énergies fossiles et fissiles et consacre son énergie, son effort de recherche, ses investissements, aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique.