Scénario négaWatt : rendre possible ce qui est souhaitable !

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L’exercice était difficile. Certains n’hésitaient pas un instant à affirmer qu’il était même impossible. Comment allier réduction des émissions de gaz à effet de serre, limitation de notre recours aux ressources pétrolières tout en sortant du nucléaire ? Le scénario négaWatt, dans sa version 2011 établi par l’association éponyme s’est pourtant essayé à l’exercice.

Avec la même rigueur que pour les deux précédentes versions, les experts énergéticiens de l’association négaWatt ont une fois encore démontré, jeudi 29 septembre 2011, devant une salle comble de plus de 500 personnes, qu’il était possible de répondre à la triple contrainte énergétique à laquelle notre monde sera, à l’avenir, confronté.

Comment ? Une fois encore, en alliant une politique ambitieuse de sobriété énergétique (le « moins » d’énergie), d’efficacité énergétique (le « mieux » d’énergie) et de développement d’énergies renouvelables (le « plus » d’énergie venant en substitution d’autres sources d’énergie).

En terme de méthode, les experts de négaWatt n’ont eu recours pour établir leur scénario qu’à des options énergétiques matures ou en voie de l’être ; aucun pari sur l’avenir n’a été fait afin d’éviter les risques inhérents à un travail de prospective trop flou. L’ambition est néanmoins au rendez-vous !

Car le scénario n’est pas seulement un exercice théorico-théorique ou modestement technique. C’est avant tout un travail politique au sens noble du terme qui réclame des modifications profondes de nos modes de vie.

A la notable différence des scénarios institutionnels, celui de l’association négaWatt inverse le sens des priorités en partant des usages pour remonter aux besoins en énergie primaire. En résumé, il s’agit de la même différence qu’entre une volonté de « consommer ce qui est produit » ou « produire ce qui est consommé ».

La logique actuelle, défendue par les lobbies, présuppose qu’en ajoutant de nouvelles capacités de production, les consommateurs adopteront un mode de vie dispendieux, où le gaspillage est la norme et la sobriété l’exception, afin d’écouler le surplus d’énergie produite. A rebours de cette logique « chadokienne », le scénario négaWatt estime qu’il est nécessaire de réduire significativement nos consommations et ensuite –et seulement ensuite- compléter les besoins énergétiques par des sources d’énergies renouvelables.

La consommation d’énergie avoisine, en 2010, les 3000 térawatt-heure (TWh). Selon NégaWatt, « une politique très volontariste de sobriété et d’efficacité énergétique, permettrait de diminuer en 2050, la demande en énergie primaire de 65% par rapport à la situation en 2010 ; l’exploitation du « gisement de négaWatts » représente les 2/3 du chemin. Le recours aux énergies renouvelables représente, à terme, 91% de nos ressources énergétiques ».

Le secteur du « bâtiment », parce qu’il représente 40% de nos consommations d’énergie fait l’objet d’un plan de rénovation ambitieux, avec 750.000 logements concernés chaque année.

En matière de mobilité également, le scénario estime possible de réduire significativement le recours à la voiture individuelle en développant fortement les modes doux de déplacement (marche à pieds, vélo, transport en commun). En agissant sur l’efficacité énergétique des moteurs tout en limitant la vitesse sur routes et autoroutes, la consommation unitaire des automobiles pourrait diminuer de 55% entre 2012 et 2050.

L’électricité spécifique, qui ne peut être substituée par une autre source d’énergie, fait également l’objet d’une attention particulière. Le chauffage électrique est progressivement remplacé, ceci améliorant l’efficacité énergétique tout en réduisant l’amplitude et le nombre de pointes de consommation électrique en hiver.

Le système électrique fait également l’objet d’un traitement particulier. A titre d’exemple, le nucléaire engendre, chaque année, une perte énergétique, sous forme de chaleur dissipée dans l’environnement via les tours de refroidissement et dans les cours d’eau, de 939 TWh ; ceci équivaut à près de 2 fois la consommation électrique de notre pays en 2010 ! En remplaçant le nucléaire par des sources d’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique du système s’en trouve grandement améliorée.

Concernant les énergies renouvelables, la biomasse (le bois-énergie, la méthanisation, le biogaz) permet de produire 519 TWh d’énergie primaire, soit 45% de nos besoins en 2050. L’éolien (194 TWh), le photovoltaïque (90 TWh), la géothermie (66 TWh) et le solaire thermique (43 TWh) auxquels s’ajoute l’hydraulique (77 TWh) permettent d’assurer plus de 90% de nos besoins énergétiques issus des renouvelables.

En résumé, en 2010, les usages finaux d’énergie sont de 1927 TWh pour un besoin en énergie primaire de 2965 TWh. En 2050, les usages finaux seraient de 849 TWh pour un besoin en sources d’énergie primaire de 1028 TWh.

Au terme de cet exercice, il apparaît possible de sortir notre pays de l’impasse nucléaire d’ici à 2030-2033, réduire d’un facteur 16 nos émissions de gaz à effet de serre tout en limitant notre dépendance aux ressources pétrolières.

A toutes celles et ceux qui considèrent trop souvent la politique comme un art de rendre possible ce qui n’est pas souhaitable, le scénario négaWatt nous invite, au contraire, à nous affranchir du prêt-à-penser énergétique qui postule trop souvent que le nucléaire serait une chose trop sérieuse pour être soumis à un stress-test démocratique.

Les élections présidentielles et législatives nous offrent la possibilité d’exiger que ce sujet éminemment politique fasse l’objet d’un débat et de décisions… politiques !