Transition énergétique : Hier, j'ai fait un rêve...

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Assoupis dans un fauteuil confortable, j'écoutais un homme à l'accent incertain nous parler d'un pays dans lequel le nucléaire se conjuguait au passé et les énergies renouvelables au futur immédiat.

Par Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement.

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J'ai entendu un homme nous dire que dans certains villages de son pays, 80% des maisons étaient dotées de capteurs solaires, nous évoquer le fait qu’en une seule année, son pays avait installé 7600 MW de panneaux photovoltaïques quant la France imagine dans ses rêves les plus fous en installer à peine 5400 MW d'ici à 2020. Je l'ai entendu nous dire que dans son pays, la consommation électrique avait baissé de 2% en 2012 tout en prévoyant de la faire baisser de 10% d'ici à 2020, nous dire encore que son pays avait crée 380 000 emplois dans le domaines des énergies renouvelables; nous dire enfin qu'en plus de sortir du nucléaire, son pays avait réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 5% en un an tout en devenant exportateur net vers la France, 12 mois sur 12 de l'électricité qu'il produisait.

L'homme qui nous parlait dans un français remarquable était le ministre allemand de l'Energie. Il intervenait dans le cadre d'une audition organisée par le conseil national de la transition énergétique qui planche actuellement en France sur l'avenir énergétique de l'hexagone.

 Ce n'était pas un rêve mais une réalité; la réalité Outre-Rhin mais encore un rêve en France. Mais entre le rêve et la réalité, le réveil est parfois brutal… Enchaînant des décisions contradictoires à un rythme quasi « sarkoziste », le gouvernement français n'a pas encore pris la mesure de la rupture à opérer dans le monde énergétique de demain.

Monsieur Peter Altmaier nous le dit sans détour. Pour mener à bien une politique de transition énergétique, la recette n'a rien de magique. Elle tient en trois mots : ténacité, cohérence et stabilité. Une fois décidée, la transition énergétique ne peut se réduire à une politique ambitieuse les seules semaines paires. Une politique cohérente doit tendre vers un objectif et le gouvernement s'y tenir.

La ministre française de l'Ecologie qui était aux côtés du ministre allemand de l'Energie devrait en prendre de la graine. En une quinzaine de jours, le gouvernement français a ainsi annoncé un plan de soutien au secteur aérien, décidé de soutenir financièrement la filière nucléaire, évoqué l'hypothèse d'une exploitation des gaz de houille voire les gaz et pétrole de schiste. Depuis sa nomination, ce gouvernement alterne une valse à quatre temps dont l'ambition première est de ne froisser personne. Un temps pour les énergies renouvelables, un temps pour le nucléaire, un temps pour les gaz de houille, un temps pour un aéroport inutile; un temps enfin pour le débat national sur la transition énergétique dont on ne sait plus très bien à quoi il sert si les décisions sont prises avant que les acteurs émettent leurs recommandations...

Le rêve français adviendra-t-il ou sera-t-il une fois encore sacrifier sur l'autel du conservatisme énergétique ? Une chose est certaine : pendant que nous débattons, l'Allemagne agit avec une perspicacité qui lui fait honneur. Nous serions bien inspirer de nous en inspirer. Il est grand temps de sortir du cauchemar nucléaire pour remettre les énergies renouvelables et la sobriété énergétique au cœur du rêve français.

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