Amishday

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Le rythme stroboscopique de la vie politique est ainsi fait qu’une période de deux ans est une éternité frappant d’amnésie toutes celles et ceux qui chercheraient à mettre en résonance les faits et les déclarations. Il y a deux ans, les écologistes étaient pourtant renvoyés à leur lampe à huile, dépeints en Amish réfractaires au sens de l’Histoire par un président appréhendant le progrès comme une accumulation de gaspillages énergétiques rebaptisés pour l’occasion « croissance » ou « PIB ».

Deux ans donc durant lesquels l’impréparation fut la norme. Deux ans et beaucoup plus de dénis écologiques qui auraient pu être mis à profit pour préparer notre pays aux chocs énergétiques et climatiques que nous subissons toutes et tous. Et nous les subissons faute de les avoir anticipés.

Le sevrage est d’autant plus brutal que les pétrooliques anonymes qui nous gouvernent ont, ces dernières années, accéléré le pas à l’approche du mur écologique. Depuis sa déclaration amieshque, le président de la République s’est fait l’apôtre de la 5G, nous invitant à ne pas prendre de retard, au risque d’être mis au ban de la société numérique. L’avenir serait, nous affirmait-on, fait de Licornes, d’objets connectés et de métavers.

Quiconque osait mettre en doute de telles perspectives ne pouvait qu’être un idéologue obtus méconnaissant la Vérité indiscutable. Questionner les usages futurs, les bilans climatiques et énergétiques de la 5G ne pouvait émaner que de khmers verts, adeptes du grand bon moyenâgeux.

Et puis, des évènements impossibles car impensés sont néanmoins advenus. Une guerre aux portes de l’Europe, un renchérissement brutal des ressources énergétiques et le progressisme technologique s’est discrètement étiolé pour laisser place aux nécessités vertueuses de la sobriété. Après nous avoir enjoint à allumer la 5G, nous sommes désormais incités à éteindre la wifi. Comprenne qui pourra…

En quelques mois, ce sont quelques 68 372 antennes 5G qui ont été déployées pour que des clients puissent streamer en full HD. Les errements de quelques ingénieurs apparaissent pour ce qu’ils sont : un délire futuriste sans lendemain. Cécité et clairvoyance sont sur un bateau et celui-ci fonce sur un iceberg… A peine 4 millions de cartes SIM compatibles 5G ont été acheté depuis le déploiement de ce nouveau standard. Avant même les appels à la sobriété, ce début poussif a révélé ce que l’industrie des télécom n’osait entrevoir : le meilleur des e-mondes, fait de caméras de vidéos surveillance avec reconnaissance faciale, de casques de réalité virtuel et de métavers est loin d’être plébiscité.

Pire, dans un rapport largement ignoré par les décideurs, le Haut Conseil pour le Climat estimait que « le déploiement de la 5G risque d’avoir un eff­et important sur la consommation d’électricité en France, entre 16 TWh et 40 TWh en 2030, soit entre 5 % et 13 % de la consommation hexagonale d’électricité du résidentiel et du tertiaire ».

La guerre en Ukraine nous a fait entrer dans un monde nouveau. Celui que dépeigne les écologistes depuis des lustres. Comme le veut la formule, c’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt. Mais qu’en est-il de ces décideurs qui s’acharnent à rester dans l’erreur alors qu’il est déjà trop tard ? Car, par delà les mots, la sobriété est avant tout une politique en acte, une exigence de cohérence, un appel à la sincérité.

Renoncer au mythe de l’abondance énergétique requiert honnêteté et perspicacité. Chaque message contradictoire est un appel à la sécession, au refus de l’effort car d’autres n’en font pas. A titre d’exemple, laisser les opérateurs vendre des forfaits illimités ou les grandes plateformes de streaming diffuser des vidéos en 4K revient implicitement à reconnaitre que la situation énergétique est moins grave qu’il n’y paraît.

L’été caniculaire, les incendies dantesques et demain les pénuries énergétiques nous obligent à ouvrir les yeux et renoncer aux facilités du gaspillage énergétique. Le gouvernement serait bien inspiré d’abandonner l’idée selon laquelle la situation n’exigerait que des modifications cosmétiques. Gouverner, c’est prévoir. Avoir perdu deux ans et plus en propos polémiques et gesticulations 3.0 ne peut nullement être une excuse pour simuler une sobriété au rabais. La situation climatique et énergétique exige du sang et des larmes et oblige une classe politique encore largement intoxiquée par les vapeurs des trente glorieuses à renoncer aux facilités d’une énergie infinie et quasi gratuite.