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Spécial Mondial de l’automobile
Encore un Mondial de l’automobile. Une fois encore,
nous risquons d'assister à
une gigantesque opération de blanchiment écologique
par laquelle
constructeurs automobiles et institutions vont se gargariser
d’efforts
qu'ils auraient pu faire... mais qu’ils n’ont
pas encore faits ! Le « savoir
faire » de ces constructeurs est de « faire
savoir » sans avoir à faire
réellement. Tout n’est qu’illusion,
tant et si bien que certains d'entre eux
finissent par croire à leurs propres discours. Quelle
crédibilité pouvons-nous en effet accorder au secteur « transports » qui,
depuis 1990, a
accru de 20% ses émissions de gaz à effet
de serre alors même qu’il nous
faudrait les diviser au minimum par quatre d'ici 2050 pour
stabiliser le
climat ?
Un échec cuisant. Les constructeurs s'étaient
pourtant engagés à réduire les émissions
de CO2 de leurs véhicules neufs à 140
g par km en 2008. Echec
cuisant puisque nous nous situons aujourd’hui à 160
g. La Commission
européenne, qui avait eu l'imprudence de faire confiance à un
secteur
industriel qui ne brille pas par le respect de sa parole,
a donc proposé en
janvier 2007, une réglementation contraignante au
secteur automobile. Ce
projet de règlement communautaire s'est immédiatement
attiré les foudres de
l'industrie allemande et a pu compter sur un attentisme
bienveillant de
l'industrie française. Etonnamment, les Chefs d'Etat
et de Gouvernement de
l'Union européenne semblent tétanisés à l’idée
de réclamer des engagements
contraignants à un secteur industriel pourvoyeur
d'emplois. La crise qui
frappe les constructeurs automobiles américains,
qui se sont complus dans la
production de grosses voitures énergivores et climaticides,
devrait pourtant ê
tre un signal à même d'alerter les tenants
du statu quo. Faute
d'investissements et novations écologiques, General
Motors et Ford ont vu
leurs ventes s'éroder de plus de 25% en quelques
mois, sous l'effet du
renchérissement du prix des carburants.
Dans un monde industriel si dépendant du pétrole,
la politique de l'autruche
est vouée à l'échec ! Pourtant, le
09 juin dernier, Nicolas Sarkozy et
Angela Merckel scellaient un accord surprenant par lequel
ils renonçaientà faire adopter un règlement fort, prenant ainsi le
contre-pied de la
Commission et du Parlement Européen. Derrière
la multiplication d'arguties
techniques se cache un véritable renoncement politique.
Après avoir reculé de trois ans la date de mise en œuvre du règlement
européen « automobile et
CO2 » portant son application effective à 2015,
il semble que la Commission
Environnement du Parlement Européen ait réussi à réintroduire
un peu de
rationalité dans un dossier largement sous influence
du lobby automobile.
Une posture équivoque. Immédiatement après
ce vote, la Présidence Française
de l’Union européen s’est attelée à détricoter
ce que le Parlement Européen
avait patiemment construit. La posture plus qu’équivoque
de la France dans
la gestion de ce dossier sulfureux a permis à l'Allemagne
d'imposer ses
vues, se faisant ainsi le relais docile des constructeurs
automobiles les
plus négligents.
Durant quinze jours, le monde de l'automobile tentera de
revêtir les habits
verts de l'écologie. Mais derrière ces habits
se cachent un monde industriel
arc-bouté et prêt à tout pour préserver
ses acquis. Ecologie et économie ne
s'opposent pourtant pas et il est étonnant que le
monde industriel n'ait pas
saisi la nature profondément dialectique de cette
nouvelle écolomie qui
survivra ou s'effondra ensemble. En tablant sur un lobbying
visant à faire é
chouer une réglementation européenne, les
constructeurs opposent court,
moyen et long terme. Or, avec les variations brutales du
prix des
carburants, le bon choix économique est et sera
de plus en plus le bon choix écologique.
Le long terme est pour demain matin. Les industriels qui
ne
sauront pas prendre en compte le déterminisme écologique
périront sous les
flots du dérèglement climatique.
Les constructeurs automobiles, à l'heure du Mondial
de l'automobile ne
peuvent tenir deux discours, l'un adressé aux consommateurs,
l'autre plus
feutré, destiné aux Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Le dérèglement
climatique nous impose cet exercice inédit : réhabiliter
la parole politique
afin que cette dernière soit enfin en adéquation
avec les actes et
réglementations françaises et européennes.
Notre avenir à tous en dépend !
