[Interview] Pascal Veaulin, chef engagé dans le bio en restauration collective

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A l'Assemblée Nationale, la commission du Développement durable vient d'introduire un seuil minimal de 20 % de bio à partir de 2022 dans la restauration collective dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Nous soutiendrons le vote définitif de cette mesure dans les semaines à venir. Depuis le lancement de notre campagne “ Des cantines bio, j’en veux ! “, nous constatons de nombreuses réticences d’élus et d’acteurs de la restauration collective.

En réalité, certains freins sont illusoires. Il est tout à fait possible de transiter vers le bio en restauration collective comme en témoigne Pascal Veaulin, chef de cuisine du collège Guillaume de Lorris dans le Loiret (45). Nous lui avons posé quelques questions sur sa manière de procéder. 

En restauration collective, l’introduction du bio est encore timide. Pouvez-vous expliquer votre choix d’opérer votre transition vers le bio dès 2013 ?

P. Veaulin : A partir de 2003, je me suis interrogé sur la façon d’introduire le bio et j'ai participé au Printemps bio organisé par Bio centre. Le but était de faire un repas complètement bio, mais cela ne fonctionnait pas car à l’époque c’était difficile de trouver des produits comme les légumes et on explosait le coût du repas.

Par la suite, je me suis formé auprès de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) avec un groupe de cuisiniers et de diététicien(ne)s. Le but était de former des professionnels de la restauration collective (école primaire, collège, lycée, maison de retraite, etc.).  J’ai ensuite mis en application mes connaissances en introduisant le bio petit à petit dans le collège où j’étais. Par la suite j’ai changé de collège et l’élément déclencheur de l’introduction du bio dans ce nouvel établissement a été la possibilité de préparer des repas avec des produits frais et locaux à l’aide d’un matériel adapté et davantage de personnel. 

Comment a été accueilli votre projet par le directeur de l’établissement et les élèves ?

P.Veaulin : J’ai demandé à la direction s’il était possible de faire du bio et cela a été très bien accueilli du moment que je ne dépassais pas le budget. Le gestionnaire de l’établissement m’a soutenu dans ma démarche. Concernant les convives, l’introduction du bio a été plus difficile. Les enfants sont formatés par la grande distribution (packaging attrayant, goûts lissés, etc.).

Par exemple : Le pain bio qui est un pain au levain utilisant une farine plus complète (T 80) ne plaît pas à tout le monde. Il est plus facile d’introduire de nouveaux aliments dans les écoles primaires, car dès qu’ils passent dans l’adolescence ils se bloquent assez vite sur la nouveauté. 

Un travail éducatif a été effectué pour sensibiliser les enfants à la découverte de nouvelles saveurs. Des ateliers du goût ont été mis en place en collaboration avec les professeurs de français et de SVT. Par exemple, un travail sur le champ lexical de la nourriture a été proposé en parallèle. 

Quels sont les éléments qui ont permis cette transition vers le bio ? Comment avez-vous procédé ?

P.Veaulin :  Il convient de ne pas dépasser le coût matière fixé. J’ai ainsi essayé tout d’abord d’introduire des fruits et légumes de saison, moins chers que les produits surgelés. Nous réalisons quelques cuissons à basse température de nuit pour préserver le goût de l’aliment et tout son potentiel (vitamines, minéraux,...). Pour limiter les coûts, nous avons introduit des légumineuses, des plats alternatifs et végétariens. Nous luttons également contre le gaspillage alimentaire :  par exemple les entrées sont présentées en salad’ bar, ainsi les élèves se servent la quantité qu’ils souhaitent.

Suite à ces mesures, le nombre d’aliments biologiques a augmenté, tout d’abord à 59% en 2015 et jusqu'à 80 % depuis 2017. 

Un audit est effectué chaque année par ECOCERT qui est un organisme de certification de l’agriculture biologique. Notre audit annuel  par le label ECOCERT en cuisine nous a classé au niveau 3 « restaurant exemplaire ».

Quels sont les acteurs  qui vous ont accompagnés dans votre projet ?

P.Veaulin : Le GABOR (Groupement des Agriculteurs Biologiques et Biodynamistes de l'Orléanais et du Loiret) m'a soutenu dans ma démarche. Nous avons planifié ensemble un calendrier de semis de légumes pour toute l’année. Je peux ainsi anticiper les commandes de produits de saison et locaux. Les producteurs peuvent mieux s’organiser.

Egalement co-fondateur du Collectif Les pieds dans le plat, vous formez des chefs en restauration collective. Pouvez-vous parler de ce Collectif et de ses missions ?

P.Veaulin : Il s’agit d’un réseau national de cuisiniers et diététicien(ne)s accompagnateurs de la restauration collective. Les formateurs bio fédèrent de nouveaux acteurs autour de l’alimentation biologique et de la restauration collective.

Plusieurs formations sont proposées telles que : introduire du bio en restauration collective, bio et nutrition, le goût en restauration collective et le gaspillage alimentaire. Nous faisons aussi des diagnostics de site pour toutes sortes de restauration, et du conseil pour la rédaction de marchés publics.

Qu’est-ce que vous voudriez dire aux cuisiniers, élus ou encore gestionnaires qui sont réfractaires à l’introduction du bio dans les établissements scolaires ?

P.Veaulin : Il faut sauter le pas et vaincre ses a priori. Le bio est plus cher mais reste abordable, il n'y a pas de surcoût si l’on travaille des produits bruts et de saison, en supprimant les produits industriels tels que les fonds de sauces qui contiennent beaucoup d’additifs. Les cuisiniers doivent se réapproprier leur métier, les élus doivent soutenir cet effort en formant et en embauchant des personnels qualifiés. Il y a de plus en plus de demandes. En juillet dernier, le Collectif a rassemblé 300 personnes lors des premières Rencontres nationales de la restauration collective et sociale engagée dans le bio.

https://www.collectiflespiedsdansleplat.fr/

Nous espérons que ce témoignage incitera les différents acteurs de la restauration collective à entamer leur conversion ! 

Par l’introduction de l’alimentation biologique, vous permettez la préservation de la santé des enfants, l’éducation au goût et la protection de l’environnement. Une belle aventure vous attend sans aucun doute.

N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations !