Réautorisation des pesticides néonicotinoïdes : attention aux enfumages !
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Publiée le 15 mai 2025La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale discute cette semaine de la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur », dite PPL Duplomb. Ce texte, déjà adopté par le Sénat, sera ensuite débattu par les député·e·s en séance plénière à partir du 26 mai.
Parmi de nombreuses régressions environnementales très préoccupantes (soutien à l'agrandissement des élevages industriels, accélération des méga-bassines d'irrigation), la proposition de loi prévoit d'instaurer un contrôle politique sur les procédures scientifiques d'interdiction de pesticides, et de réautoriser certains pesticides particulièrement toxiques (dits « tueurs d'abeilles »).
Sur ce dernier point, les arguments avancés par les lobbies agro-industriels et par la ministre de l'agriculture sont particulièrement manipulatoires. Voici un bref éclairage sur les principales manœuvres en cours.
Pourquoi réautoriser l'acétamipride ?
Les partisans des pesticides néonicotinoïdes se focalisent dans les médias sur leur utilité pour protéger les noisetiers. Factuellement, c'est un mensonge : la production de noisettes a connu les mêmes évolutions de rendement en Italie (où ce pesticide est toujours autorisé) et en France (où il est interdit depuis 2018).
Les problèmes de la filière « noisette » ne sont pas la disponibilité ou pas en un pesticide ultra-toxique, mais d'une part le dérèglement climatique, d'autre part un choix de croissance rapide en monoculture pour satisfaire des intérêts industriels et financiers. La monoculture industrielle est fragile avec ou sans acétamipride.
Stratégiquement, l'invocation de la noisette est une manipulation pour instrumentaliser une production sympathique. Car la principale filière qui réclame ce produit est celle du sucre industriel, dont la majorité de la production est destinée aux produits alimentaires ultra-transformés (malbouffe).
En outre, la crise de la filière « betteraves sucrières » provient du choix idéologique néolibéral de supprimer les quotas betteraviers en 2017. Les industriels du sucre ont alors délocalisé la production soit dans de nouvelles régions françaises, soit à l'étranger, ce qui a fragilisé économiquement les régions historiques de culture de la betterave.
Les rendements restent excellents sans acétamipride, mais les agriculteurs sont poussés par les actionnaires des multinationales sucrières dans une course à l'ultra-rendement qui n'a aucun sens. Sur un plan agronomique rigoureux, rien ne justifie de réautoriser ces pesticides.
Découvrez le vrai du faux avec Jacques Caplat, agronome et anthropologue
Un compromis sur 120 jours ?
Face à l'opposition de plus en plus forte contre cette disposition dangereuse, certains députés de droite proposent d'inscrire l'autorisation dans le cadre des « dérogations pour 120 jours ». Voilà une belle illustration de la stratégie consistant à prendre les gens pour des imbéciles.
Car par définition, l'usage de l'acétamipride est saisonnier (printemps) et s'échelonne sur moins de 120 jours par an. Une telle disposition ne limiterait en réalité strictement rien !
D'une part l'État français est coutumier des « autorisations annuelles limitées » qui sont systématiquement renouvelées et contournent le droit européen, d'autre part un dispositif de dérogation annuelle permet d'entraver les recours judiciaires. Nous en avons l'exemple récurrent avec les autorisations illégales de chasse à certains oiseaux migrateurs : chaque année, une « dérogation annuelle limitée » contraire au droit européen est promulgué par la France ; chaque année les recours judiciaires conduisent à l'annuler… trop tard car après échéance du délai de dérogation !
Certain·e·s député·e·s, peu au fait des réalités agricoles ou des embrouilles juridiques, peuvent se laisser tromper et penser sincèrement que l'acétamipride serait « indispensable » ou qu'une dérogation de 120 jours constituerait un « compromis raisonnable ». À vous de les détromper.
Ne laissons pas la France s'enfoncer dans l'ère trumpiste des réalités alternatives (formule bien alambiquée pour désigner ce qui, en français ordinaire, s'appelle un mensonge).
Mobilisons-nous contre le retour des insecticides « tueurs d'abeilles »
Prochaine étape cruciale : la discussion en séance publique le 26 mai !
Nous devons agir vite pour empêcher l’adoption de cette loi dangereuse pour la biodiversité et notre santé. Nous vous proposons pour cela deux actions :
- Signez et partagez massivement la pétition Refusons le retour des insecticides « tueurs d'abeilles »
- Interpellez directement votre député·e sur le site parlementerre.fr