TROIS QUESTIONS A Liliane Pays, Présidente de NatureParif

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A l’occasion de l’Année internationale des forêts, Natureparif, l’Agence régionale pour la nature et la biodiversité, et l’Office national des forêts gestionnaire des forêts publiques, organisent, avec le concours du CNPF, de l’IFN et le soutien de la Ville de Paris, un colloque international « Pour un meilleur partage des usages de la Forêt ».

Comment articuler les différentes fonctions d'une forêt ? Est-elle seulement une zone dédiée à la production de bois, un espace récréatif, un haut lieu de la biodiversité ou un puit de carbone à préserver ?

Liliane Pays : La multiplicité des fonctions et services offerts par la forêt en fait un objet à la croisée d'enjeux  sociétaux, économiques et politiques d'une grande actualité .Les auteurs de l’Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire commandée par le Secrétaire Général de l'ONU, Kofi Annan, en 2000 à l'occasion d'un rapport intitulé « Nous, les peuples : le rôle des Nations Unies au XXIe siècle » distinguent trois types de services fournis par la forêt aux êtres humains :

  • les services d’approvisionnement : production de biens, comme les aliments, le bois de feu, les plantes médicinales, les fibres ;
  • les services de régulation des processus écologiques : régulation du climat global par la séquestration du carbone, de la quantité et de la qualité de l’eau, de la force des vents… ;
  • les services culturels : par exemple spirituels, d’héritage culturel ou de loisir. Les services écosystémiques sont fournis à plusieurs échelles spatiales : la proximité immédiate (pour la beauté d’un paysage…), le bassin versant (pour la qualité de l’eau…), le monde (pour la séquestration du carbone…)

A travers la confrontation d’expériences d’arbitrage réussis entre usages différents voire contradictoires , ce colloque propose :

  • de valoriser le savoir-faire historiquement acquis des acteurs franciliens en matière de gestion des forêts en milieu périurbain ;
  • faire profiter les acteurs franciliens d’expériences réussies mises en œuvre au plan national ou à l’étranger ;
  • donner des pistes d’intégration de la biodiversité forestière avec d’autres thématiques d’intérêt global, tel que le changement climatique.

Comment maintenir l'écosystème "forêt" en bonne état ?

Liliane Pays : C’est affaire de naturalité. La forêt, contrairement aux espaces cultivés agricoles, préexiste aux activités humaines. Deux causes d’origine humaine principales peuvent altérer son état de santé en tant qu’écosystème : l’usage propre qu’en fait l’homme et sa disparition ou sa dégradation de part le fait d’activités humaines extra-forestières.

L’homme s’est approprié cet espace pour en tirer bénéfices, qu’il s’agisse d’exploitation du bois, de chasse ou d’autres pratiques récréatives. Pour maintenir cet écosystème très particulier en bon état de santé au sens écologique du terme, il ne faut pas que l’un ou l’autre des usages prennent le pas sur la naturalité et conduise à une artificialisation de la forêt. Concrètement, la sylviculture ne doit pas tendre vers la monoculture intensive, ou encore, la forêt, refuge d’espèces sauvages gibiers, ne doit pas devenir parc d’élevage.

Concernant l’impact des activités humaines extra-forestières, il en est de deux sortes :

  1. la consommation d’espace boisé au profit d’autres types d’occupation du sol, mais la tendance est inverse depuis plusieurs décennies et les espaces boisés ont tendance à s’étendre 
  2. et l’altération fonctionnelle des massifs  du au morcellement par les infrastructures de transport. La tendance va à la prise en compte de l’intégrité des massifs lors des nouveaux tracés d’infrastructures mais les anciennes voies de transport sont en place.

En quoi une forêt bien gérée est-elle nécessaire à la préservation de la biodiversité ?

Liliane Pays : A l’échelle planétaire, la forêt accueille à elle seule la moitié de la biodiversité mondiale. L’un des indicateurs pertinent pour évaluer la bonne santé d’une forêt est le nombre de milieux qu’elle abrite. Les diversités forestières reflètent donc les richesses des forêts en termes de biodiversité.

Le nombre d’essences présentes dans les massifs forestiers et autres terres boisées est aussi un indicateur précieux de la santé de la forêt. Plus on trouve une grande diversité d’essences, plus la richesse de la biodiversité est là aussi importante.

En France, les régions Champagne-Ardenne, Bourgogne, Picardie, Rhône-Alpes et Franche-Comté sont celles qui concentrent le nombre moyen d’espèces recensables le plus élevé, avec 5,5 à 6 espèces présentes. A l’inverse, avec 4 essences recensables les régions PACA, Corse, Languedoc-Roussillon et Aquitaine, sont celles qui ont le taux le plus faible. L’Île-de-France se situe elle dans la moyenne basse avec 5,4 espèces recensées.

La grande faune sauvage constitue un élément important des écosystèmes forestiers. Le cerf élaphe, le daim, le cerf sika, le chamois, l’isard, le mouflon et le bouquetin font l’objet d’enquêtes périodiques qui permettent de cartographier précisément leur distribution spatiale et d’estimer les effectifs. Ainsi, en 20 ans, la superficie colonisée par le cerf a doublé et les effectifs estimés ont quadruplé.

Cette présence qui témoigne là aussi d’une forêt en bonne santé, ne doit cependant pas occulter la question de la compatibilité de cette espèce avec la sylviculture.

La forêt constitue aussi le plus important des écosystèmes terrestres pour le stockage de carbone, c‘est pourquoi elle est un levier important de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le stock de carbone en forêt est réparti pour l’essentiel entre la matière organique des sols et la biomasse des arbres. 

En France, on estime (chiffre 2010 –IFN) à 80 millions de tonnes, le stock de carbone de la biomasse ligneuse et des sols des forêts et autres terres boisées.

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