La France achète sa paix agricole en sacrifiant l'environnement
Communiqués de presseParis, le 26 mars 2024
Le jour-même où s'ouvre le congrès de la FNSEA (syndicat agricole majoritaire défendant l'agro-industrie), la France va soutenir à Bruxelles un dépeçage des principaux objectifs environnementaux de la Politique agricole commune (PAC). Ce télescopage des agendas sonne comme un aveu de complaisance envers l'aile la plus cynique et affairiste de la profession agricole.
La colère du monde agricole soulignait légitimement la fragilisation d'un métier face aux incertitudes du dérèglement climatique et à l'accaparement des marges par les industries d'aval. La seule réponse responsable face à cette crise est d'accompagner les paysan·ne·s dans une transition agroécologique radicale, notamment en assurant une juste rémunération des pratiques respectueuses de l'environnement (biodiversité, climat, eau). La biodiversité rurale est en effet la seule assurance à long terme contre les incertitudes climatiques.
À l'inverse, la Commission européenne et les États-membres s'engagent ces jours-ci dans un processus inédit d'abolition d'une partie des règles environnementales de la PAC. En supprimant l'obligation de conserver quelques surfaces écologiques (jachères, haies, etc.), de maintenir des prairies (points chauds de la biodiversité en Europe) et de pratiquer une rotation des cultures, l'Union européenne tronçonne sauvagement les branches de salut de l'agriculture européenne. Ces règles de conditionnalité sont en effet vitales pour sauvegarder les sols et la biodiversité.
Ces renoncements sont non seulement sidérants et gravissimes sur le fond, mais ils sont également brutaux et inédits sur la forme : pour la première fois, l'UE décide arbitrairement d'abandonner brusquement des dispositifs qui avaient pourtant fait l'objet de trois ans de négociation fine et complexe. Ce processus de sabotage, engagé il y a quelques semaines par la Commission européenne, doit être validé et amplifié aujourd'hui par le Conseil des ministres de l'agriculture, c'est-à-dire les représentants des États. Or la France est l'un des pays qui œuvrent le plus puissamment et ouvertement pour cette trahison démocratique et écologique.
Cet effacement des mesures environnementales de la PAC est une catastrophe pour l'environnement et donc pour l'agriculture qui en dépend ; c'est également un coup de canif dans la légitimité de l'UE. Comment, désormais, passer des années à élaborer un compromis politique si nous savons qu'il peut être balayé en quelques semaines sous la pression d'un lobby et par la lâcheté des gouvernants ?
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Jacques CAPLAT // Coordinateur des campagnes Agriculture et Alimentation