Projet de loi agricole : des cadeaux à l'agro-industrie qui cachent mal une absence de vision

Communiqués de presse

Paris, le 2 avril 2024. Le ministre de l'Agriculture présente mercredi au Conseil des ministres son projet de loi agricole. Ce texte frappe par son absence totale d'ambition en matière d'installations ou de transition agro-écologique. Pire, il consacre une trajectoire d'industrialisation et de négation de l'urgence environnementale, cédant à toutes les exigences cyniques des syndicats productivistes.

Le « projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture » enfin publié se révèle bien mal nommé. Sa définition de la « souveraineté agricole » trahit la définition de ce terme au sein de l'ONU pour la réduire à la « sécurité alimentaire » mâtinée de souverainisme suspect. Son volet « installation » se limite à des déclarations d'intention sans objectif chiffré (alors que la moitié des agriculteurs vont prendre leur retraite dans la décennie) et la création d'un diplôme-gadget.

Mais il y a pire. Entre les lignes, ce projet consacre une dérive obstinée vers l'industrialisation. La création de « groupements fonciers agricoles d'investissements » permettra de lever des capitaux auprès des entreprises et des multinationales, précipitant la fin de la paysannerie. L'attribution à l'agriculture du statut « d'intérêt général majeur » permettra de faire primer les intérêts agro-industriels cyniques sur l'urgence environnementale. Une « déclaration unique » permettra à un agriculteur de détruire une haie dès lors que l'État ne lui aura pas répondu dans un délai à fixer. Lorsqu'un projet agro-industriel sera entaché d'un vice de procédure, la justice pourra permettre la poursuite du « fait accompli » en ne stoppant qu'une partie du chantier au lieu de l'arrêter entièrement en attendant le jugement. L'air de rien, tous les articles apparemment disjoints qui composent ce texte fourre-tout et confus tendent bien dans une direction commune : aucune ambition, mais un renoncement généralisé.

Ajoutons que le texte prévoit d'assécher la dynamique paysanne, en obligeant les réseaux dits « alternatifs » qui accompagnent aujourd'hui près de la moitié des installations (et en particulier la quasi-totalité des installations innovantes et fécondes : agriculture biologique, circuits courts, diversification) à s'inféoder à un « point d'accueil unique » géré par les Chambres d'agriculture c'est-à-dire le syndicalisme agro-industriel. En bridant la diversité, cette centralisation aberrante et injustifiée pourrait à elle seule consacrer la fin de toute innovation agroécologique en France.


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Agir pour l'Environnement

Jacques CAPLAT // Coordinateur des campagnes Agriculture et Alimentation