Le gouvernement sabote sciemment les alternatives aux pesticides
Actualité
Publiée le 6 juin 2025Dans le dossier brûlant des pesticides agricoles, un argument revient en boucle dans la bouche des partisans de l'agrochimie : quels que soient ses dangers sanitaires et écologiques, un pesticide devrait rester autorisé tant qu'il n'existe pas « une alternative ». Or en parallèle les mêmes acteurs économiques, syndicaux et politiques agissent activement pour qu'aucune alternative n'émerge, notamment par une destruction en règle de l'agriculture biologique.

Un raisonnement scientifique rétrograde et inepte
Pris à la gorge par les règles néolibérales et par la logique d'accumulation des moyens de production, les agriculteurs se pensent obligés d'obtenir des rendements élevés pour assurer leur revenu – et donc leur survie à moyen terme. Ils considèrent les pesticides comme une « assurance-récolte ».
Dans le discours syndical et politique agricole, « disposer d'une alternative » signifie « disposer d'un autre pesticide ayant le même effet ». Ce raisonnement, qui consiste à remplacer un produit par un autre dans une logique réductionniste archaïque, est une négation de l'agronomie et des méthodes scientifiques les plus modernes. Il y a belle lurette que les autres sciences ont dépassé cette logique « action-réaction » pour adopter une démarche holistique ou systémique. En réalité, une véritable « alternative » à un pesticide ne peut pas être un autre pesticide terme-à-terme (ce qui produira inévitablement au bout du compte les mêmes conséquences sur la biodiversité et la santé), mais un changement de pratiques agricoles. La véritable agronomie consiste à remplacer un pesticide par un ensemble de techniques (choix de la variété cultivée, entretien d'un écosystème capable de réguler naturellement les ravageurs et maladies, méthodes culturales évitant de fragiliser la plante, etc.).
L'agriculture biologique est une alternative globale
Il existe précisément une démarche agricole qui a adopté la logique systémique des sciences modernes : l'agriculture biologique. Contrairement à une idée reçue absurde mais hélas tenace, la bio ne consiste pas à faire « la même chose mais sans produits chimiques », elle consiste à mettre en œuvre un ensemble de pratiques globales, reliées entre elles, qui permettent d'assurer un sol structuré et vivant, des écosystèmes agricoles foisonnants et des synergies entre cultures.
Le paradoxe insoutenable des betteraves
Depuis plusieurs années, les syndicats de planteurs de betteraves et les multinationales du sucre ne cessent d'affirmer qu'elles ont besoin des pesticides néonicotinoïdes, et notamment de l'acétamipride, pour sécuriser les récoltes. Ce lobbying intense aboutit actuellement à un combat législatif pour ré-autoriser l'acétamipride. Et bien entendu, quel est l'argument massue asséné par ces lobbies ? « Il n'y a pas d'alternative à l'acétamipride ».
Cette affirmation est d'une extrême violence envers les acteurs de l'agriculture biologique. Car précisément, il existe des producteurs de betteraves sucrières biologiques, qui démontrent que leurs techniques globales (alternance de cultures, écosystèmes) permettent de garantir un rendement suffisant sans recours aux néonicotinoïdes. Mais pour que ces productions soient rentables, il faut construire des filières adaptées pour la transformation en sucre biologique. Toutes les filières conventionnelles et dominantes actuelles ont été aidées, parfois considérablement, avant d'atteindre la rentabilité qui leur permet de rémunérer grassement leurs actionnaires. Que les filières biologiques « natives » soient aidées en proportion du poids actuel de la bio en France est la moindre des choses !
Que pensez-vous qu'il arriva ? Le 20 mai, la ministre de l'agriculture a annoncé une baisse de 64 % des fonds « Avenir bio » qui permettent de financer la construction de filières biologiques. Plus précisément, parmi les projets sabordés par cette réduction figure… une sucrerie biologique (La Fabrique à sucre) qui visait à assurer un débouché viable pour les planteurs de betteraves biologiques dans les Hauts-de-France.
Ainsi, le même gouvernement détruit sciemment une initiative collective qui permettait de développer une alternative aux néonicotinoïdes sur betteraves, puis vient affirmer qu'il faut ré-autoriser les néonicotinoïdes sur betteraves sous prétexte qu'il n'existerait pas d'alternative.
Ce niveau d'indignité et de cynisme est d'une extrême violence. Violence à l'égard des paysan·ne·s bio qui voient leurs projets ruinés sans préavis, violence à l'égard des agriculteurs conventionnels qui sont piégés dans une voie sans issue où ils dépendent des caprices de l'agro-industrie, violence à l'égard des citoyen·ne·s qui sont pris pour des imbéciles et vont devoir ingérer des molécules toxiques, violence à l'égard de la biodiversité qui est ravagée par ces pesticides que l'on retrouve in fine même dans les pluies et qui se diffusent donc dans tous les écosystèmes.