Conférence environnementale : des perspectives peu réjouissantes

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Les 14 et 15 septembre derniers, a eu lieu la conférence environnementale censée lancer la « transition énergétique » et fixer les objectifs du grand débat national sur l'énergie qui aura lieu au cours de l'automne. Le discours d'ouverture de François Hollande et celui de clôture de Jean-Marc Ayrault ont annoncé la couleur des politiques environnementales à venir, et autant dire que tout n'est pas rose… et encore moins vert !

Par Sophie Bordères - Coordinatrice de campagnes. | Crédit Photo : ACIPA - NON au projet d'Aéroport Notre Dame des Landes.

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Sur le sujet épineux des gaz et huiles de schiste, le Chef de l’État a annoncé le rejet de sept permis demandés l'an dernier, qui étaient en cours d’instruction. Or, cette mesure est bien loin de « fermer la porte au gaz de schiste »*1 puisque les sept demandes rejetées sont de nouvelles demandes de  permis et qu'il reste toujours 61 permis valides sur le territoire français. Quid donc de ces 61 permis en cours ? Autre élément laissant penser que la porte reste  ouverte aux industriels : l'interdiction de la fracturation hydraulique avec l'éventualité de rouvrir le dossier si une autre technique venait à être découverte. Comme l'a dit Arnaud Montebourg  : « le président de la République a condamné la fracturation hydraulique destructive de l'environnement mais pas le gaz de schiste en soi ». Les gaz et huiles de schiste ne se résument pourtant pas à un problème de technique d’exploitation. Les contraintes climatiques nous obligent à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Quelque soit la technique utilisée, le fait d’exploiter des gaz de schiste ouvriraient la porte à une ruée vers une énergie qui ne ferait qu’accroître nos émissions de CO2. Ce serait tout bonnement irresponsable !

Au delà de la question des gaz et huiles de schiste, les déclarations de François Hollande sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre sont loin d'être ambitieuses puisque le Président s'est contenté de confirmer l'objectif de moins 40% en 2030 et moins 60% en 2040, objectifs qui figurent déjà dans la feuille de route de l'Union Européenne. Même si cet objectif semble plus réaliste aux vues du retard déjà pris par la France, c'est pourtant le signe d'une volonté politique faible de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, excluant la France du club des pays européens ambitieux que sont entre autre l'Allemagne et le Royaume-Uni.  

Peu d'engagements forts mais de nombreux sujets passés à la trappe par le gouvernement :

Peut-être par peur du débat ou volonté de ne pas faire de vagues, la question des transports, le secteur le plus polluant de France, et des infrastructures a été complètement éludée. Rien donc sur le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, alors que de nombreux militants et de nombreuses militantes de l'Acipa (Association Citoyenne Intercommunale des Populations Concernées par le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes) ont assuré une présence devant le Palais d'Iena tout au long de la conférence pour réaffirmer leur volonté de voir ce projet arrêté. Rien non plus sur les autoroutes ou les lignes THT…

Autre sujet peu abordé malgré la table ronde lui était officiellement consacré: la santé et l'environnement. Aucun engagement concret n'a été pris, si ce n'est le soutien du Premier Ministre à la proposition de loi de Gérard Bapt sur l'interdiction du Bisphénol A.

L'agriculture, sujet souvent sensible et au combien important lorsque l'on traite d'environnement n'a pas du tout été mis en avant. Pas un mot sur la question des pesticides et l'objectif fixé par le grenelle de diminuer de 50% les pesticides d'ici à 2018. Le Premier ministre a  annoncé que le taux d’incorporation des agrocarburants serait revu à la baisse, passant d’un objectif de 10% à 7%. Le chiffre de 10% était un objectif indicatif inclus dans la Loi d’Orientation Agricole de 2005. Dans le plan d'action ENR, le seul chiffre contraignant était "7%". Donc, au-delà des discours qui marquent une véritable inflexion, il n’y a pas d'évolutions notables en termes d’objectifs quantitatifs.

Côté nucléaire, mis à part les objectifs énoncés lors de la campagne présidentielle, à savoir la réduction de 75% à 50% d'ici à 2030, c'est la décision de fermer Fessenheim fin 2016 qui a été mise en avant. Cette fermeture, bien que trop tardive pour bon nombre d'associations antinucléaire dont Agir pour l'environnement,  permet au moins de  lancer un calendrier précis. Au rythme d’une fermeture d’un réacteur par quinquennat, la France sortira du nucléaire… en 2302 !

Reste à saluer les engagements liés à la rénovation thermique des logements avec la mise aux normes énergétiques d’un million de logement par an et la possibilité  de mobiliser une partie des ressources du livret A pour financer la rénovation de ces bâtiments. Autre bonnes nouvelles : la création d'une  agence nationale de la biodiversité en 2013 et  l'annonce de l'augmentation des taxes sur la pollution.

Au final, cette conférence environnementale a été l’occasion de multiplier les discours, du même accabi que ceux de Jacques Chirac ou de Nicolas Sarkozy il y a quelques années. Le changement serait que ces discours se traduisent réellement dans les faits et que les mots soient enfin suivis de décisions concrètes. A l'heure où nous nous enfonçons dans une triple crise et où une réelle transition écologique se fait attendre, il est nécessaire de prendre des décisions fortes, au lieu de camper sur des positions loin d'être à la hauteur des enjeux auxquels nous devons aujourd'hui faire face.

La sobriété énergétique est possible si et seulement si les moyens politiques sont mis en place, ce qui passe autant par l'interdiction totale d'exploration et d'exploitation des gaz et huiles de schiste, quelque soit la technique, par l'abandon du projet d'aéroport de Notre Dame des Landes et des autres grands projets inutiles et imposés (autoroutes, lignes THT) que par l'abandon du nucléaire ou encore l'arrêt de l'artificilisation des terres.

Des alternatives sont possibles, qu'elles soient à court, moyen ou long terme. Parmi elles : des tarifs d'achat incitatif pour l'éolien et le solaire, l’interdiction de la culture et de la consommation d'OGM, le soutien à l’agriculture biologique, aux filières courtes et aux productions locales, la gestion de l’eau en régies publiques, la suppression des avantages fiscaux pour le diesel, la suppression des soutiens aux agrocarburants etc.

La sobriété énergétique, c'est possible, encore faut-il le vouloir vraiment. Il ne nous reste plus qu'à espérer que le débat énergétique, qui devrait s'ouvrir en novembre prochain, ne soit pas une simple opération de communication et permette de rassembler tous les acteurs et toutes les actrices et débouche sur un VRAI changement.

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*1 : José Bové cité dans « Gaz de schiste : Hollande ferme la porte à la fracturation hydraulique » Le Monde -  14/09/2012

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Lire aussi : CONFÉRENCE ENVIRONNEMENTALE - Les 110 propositions d'Agir pour l'Environnement.

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