Dakar : Cinq cents _______ sur la ligne de départ…

Actualités
La nouvelle année a ses us et coutumes ; immuables, intangibles. Les vœux du président, la fête entre amis, les bonnes résolutions, la gastro et... le Dakar ! Que serait en effet une nouvelle année sans les longues retransmissions d'un rallye qui ne doit son aura qu'à la médiatisation exceptionnelle dont il fait l'objet ?

Par Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement

Depuis trente ans, le Dakar ouvre ainsi l'année en fanfare. Dunes de sable, endurance, passion sont ainsi au rendez-vous des principales chaînes de télévision et de radio. Les compétiteurs vont ainsi s'offrir un rallye de l'extrême. La vie de ce rallye est pourtant loin d'être un long fleuve tranquille. Chaque année, les critiques fleurissent, forçant les organisateurs de ce rallye à recourir à quelques oxymores dont les publicitaires ont le secret.

Les centaines d'intoxiqués du gasoil qui participent à ce grand spectacle vont, tout au long de leur périple rejeter quantité de gaz à effet de serre. Pire, l'exemple donné va inciter des milliers de mordus du Dakar à mimer l'image propagé par médias interposés. La vitesse, la compétition automobile, le vrombissement du moteur vont ainsi devenir une norme sociale et culturelle. Mais l'écologiquement correct amène les organisateurs du Dakar à effectuer quelques contorsions. Crise climatique oblige, le Dakar compense intégralement ses émissions de gaz à effet de serre, nous affirme-t-on. En un mot comme en mille, le Dakar se veut exemplaire. Peu importe que cette exemplarité soit acquise au prix d'une gymnastique sémantique peu convaincante. Le tout est de paraître. Les chiens aboient... la caravane du Dakar passe !

 L'Afrique rejette ce grand cirque médiatique, meurtrie et pleurant ses enfants morts «  accidentellement » au détour d'un village sous les roues d'un aficionado ? Mais que vaut la vie d'un Homme sur la scène motorisée de la Divine Comédie ?Le Dakar ne peut plus mettre ses roues sur le continent noir ? Adios amigos! Good morning America ! L'essentielle doit être préservé : l'exotisme du décor, la beauté des paysages, l'ardeur du compétiteur. The show must go on...

Malgré les efforts méritoires des verdisseurs de l'impossible, tout ceci fleure bon la naphtaline. 2008 fut une année noire pour le monde automobile. La fin d'une époque. Cette année marqua la fin d'un mythe, celui de la voiture plaisir. Main sur le cœur, le cœur à côté du portefeuille prêt à recevoir les subsides des Etats pourtant sans le sou, les constructeurs automobiles ont beaucoup promis. La voiture écologique allait tout prochainement voir le jour. Nous allions assister à une révolution : La voiture allait s'adapter à nos usages et l'image véhiculée par l'automobile ne serait plus celle de grand-papa, un outil symbole de puissance et de représentation sociale. Promesses de gascon...

 La crise automobile est derrière nous ? Les promesses aussi. Et le Dakar n'est que le symptôme le plus voyant des promesses oubliées. Ce que donne à voir ce rallye d'un autre âge, ce sont des constructeurs qui espèrent encore et toujours faire rêver l'automobiliste en lui montrant un outil de puissance, où le conducteur s'affranchit des règles, saccage des espaces naturels, occulte les effets du dérèglement climatique. La plaisir de conduire dans des lieux idylliques est à ce prix.

 Nos viles croyances en un monde sans limite se trouvent résumer dans ce Dakar ; funeste mais oh combien révélateur symptôme d'une époque où le cynisme mâtiné d’une petite touche de passion « sportive » est une valeur d'excellence. Malgré nos illusions et nos pulsions de toute puissance, le Dakar est condamné. Le soutien médiatique dont il bénéficie lui permettra sans doute de se maintenir encore quelques années. Mais à terme, ce modèle érigeant la puissance et le gaspillage de ressources rares ne pourra être perçu que comme le symptôme d'une cécité crasse.

 Le Dakar est révélateur d'une époque. Il est daté. Il doit entrer au musée des trente glorieuses. Et ne plus en sortir !