[TROIS QUESTIONS] à Corinne Lepage, présidente d'honneur du CRII GEN

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Le 19 septembre 2012, l'équipe du Professeur Séralini rendait publique une étude sur les OGM qui met en évidence des effets sanitaires. Malgré le sérieux de cette étude publiée dans une revue internationale à comité de lecture, la contre-attaque n'a pas tardé. Agir pour l'Environnement a posé trois questions à Corinne Lepage, présidente d'honneur du CRII GEN (structure associative à l'origine de l'étude).

Le 19 septembre 2012, l'équipe du Professeur Séralini rendait publique une étude sur les OGM qui met en évidence des effets sanitaires. Malgré le sérieux de cette étude publiée dans une revue internationale à comité de lecture, la contre-attaque n'a pas tardé. Agir pour l'Environnement a posé trois questions à Corinne Lepage, présidente d'honneur du CRII GEN (structure associative à l'origine de l'étude)

Question n°1 : L'étude menée par le Professeur Séralini et son équipe semble indiquer que l'ingestion par des rats, durant 2 ans, de maïs génétiquement modifié, induirait des effets sanitaires avérés. Ces résultats vous ont-ils étonnés ?

 Réponse de Corinne Lepage – Les résultats de l’étude du Professeur Séralini ne m’ont guère surprise et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si le CRII GEN, que je présidais à l’époque, a décidé d’engager cette étude, c’est précisément parce que les études sur des rats à 90 jours montraient déjà des anomalies notables reconnues par Monsanto lui-même comme  statistiquement significative.

Mais ces anomalies étaient écartées de toute conséquence au motif qu’elles n’étaient pas pathologiquement significatives. C’est la raison pour laquelle il nous a paru indispensable de disposer d’études de long terme pour savoir si oui ou non il y avait des conséquences cliniques à ces anomalies.

Je n’ai donc pas été très surprise qu’il y en ait.

D’autre part, un certain nombre d’études menées par le Professeur Pusztai, par Madame le Professeur Malatesta, par le Professeur Robert Bellé qui vient de publier un long article à ce sujet, montraient le même type d’anomalies que celles que nous avons constatées.

En revanche, j’ai été surprise du nombre des tumeurs et de leur taille.

Du reste, la meilleure preuve en est que nous n’avions nullement provisionné le coût des analyses correspondantes à l’examen de ces tumeurs que nous n’attendions évidemment pas en nombre aussi important.

Par ailleurs, les résultats m’ont également étonnée en ce que l’équipe scientifique du CRII GEN pensait que les conséquences sanitaires étaient dues au round up puisque le maïs tolérant au round up est une éponge à ce produit. En réalité, cette étude montre qu’il existe une toxicité propre à l’OGM lui-même.

Question n°2 : Dans votre dernier ouvrage "La vérité sur les OGM, c'est notre affaire !", vous n'avez pas de mots assez durs à l'endroit de l'EFSA, l'organisme européen d'expertise, que vous accusez de partialité. L'expertise européenne sur les OGM n'est pas indépendante ?

 Réponse de Corinne Lepage – Je critique effectivement l’EFSA dans la mesure où le panel OGM dysfonctionne depuis de très nombreuses années. D’une part, un certain nombre de cas très concrets ont montré que des personnalités qui jouaient un rôle important dans ce panel avaient des liens évidents avec l’agro-semence  comme la Secrétaire Générale de ce panel, Madame Renckers, qui a quitté l’EFSA en 2009 pour entrer à SYNGENTA. Il en va également de même de celui qui préside toujours ce panel, le Docteur Kuiper qui a fait des études pour les fabricants d’OGM et qui défend la thèse de l’équivalence en substances soutenue par  Monsanto et qui a permis d’éviter aux Etats-Unis tout étiquetage et toute traçabilité.

Par ailleurs, je ne puis que constater que sur les 500 avis émis par l’EFSA sur des OGM, aucun ne s’est révélé négatif.

L’EFSA accepte que des études faites par des laboratoires liés aux demandeurs d’OGM, évaluées par des experts liés aux OGM en dehors de l’EFSA même, servent de support à la délivrance des avis et des autorisations.

Or, cette situation est d’autant plus inacceptable que les Européens ont besoin d’une véritable expertise en laquelle ils aient confiance sur les questions sanitaires et environnementales.

Question n°3 : Cela fait maintenant près de 15 ans que les OGM sont apparus sur le marché européen. Comment expliquez-vous qu'il ait fallu attendre si longtemps avant de disposer d'une étude scientifique évaluant rigoureusement les effets sanitaires des OGM ? N'est-ce pas la négation même du principe de précaution ?

Réponse de Corinne Lepage – Votre question est particulièrement opportune.

Si, en effet, vous faites un radio trottoir sur le principe de précaution en demandant à quel type de produits ce principe a été appliqué, il est fort probable que beaucoup de citoyens vous répondront les OMG.

Or, le principe de précaution  n’a pas été appliqué aux OGM pour la bonne et simple raison que le principe de précaution exige la recherche. Or, aucune recherche sur les effets sanitaires des OGM n’a été engagée. Au contraire, un système qui évitait de disposer réellement de connaissances sur l’impact sanitaire des OGM a été mis en place et le débat a été uniquement focalisé sur la question de la pollution génétique qui existe mais qui n’est de loin pas la seule.

Si le principe de précaution a été appliqué en ce qui concerne la mise en culture des OGM, il n’a en aucune manière était appliqué en ce qui concerne la santé humaine.

C’est le résultat du lobbying extrêmement efficace mené en Europe qui a conduit à ce paradoxe que les Européens ne cultivent pratiquement pas d’OGM mais qu’ils consomment abondamment les OGM venus des Etats-Unis.

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