[Trois questions à...] Jacques Caplat spécialiste en agriculture biologique : Cultivons les alternatives aux pesticides

Actualités

« Cultivons les alternatives aux pesticides » est un guide pratique qui s'adresse principalement aux élus, mais pas uniquement!  Son but principal est de démontrer que « sans pesticides, c'est possible », et que l’utilisation systématique des outils règlementaires et financiers existants pourrait déjà permettre de faire progresser ces alternatives.

Jacques Caplat

Agronome, Jacques Caplat a été conseiller technique au sein d’une chambre d’agriculture, chargé de l’accompagnement d’agriculteurs en conversion vers l’agriculture biologique, puis des politiques agricoles et environnementales au sein de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB). Il a participé à la fondation du Réseau Semences Paysannes. Il référent agriculture dans l’association Agir pour l’Environnement.

--

Chacun aujourd'hui se sent concerné par la problématique liée aux produits chimiques et à leurs impacts sur notre santé et notre environnement.

Mais aujourd'hui la prise de conscience dépasse l'utilisation des produits chimiques : il est temps de s'interroger sur le mode d'agriculture que nous souhaitons.

Ce guide est formé de 2 parties.

La première reprend les points essentiels pour bien comprendre le débat :

  • l'existence des pesticides, leur fonction et l'histoire de cette industrie
  • le système agricole qui en découle : productiviste, chimique, industriel, dit « conventionnel »
  • le cadre juridique dans lequel évolue ce système, de plus en plus défavorable aux moindres alternatives qui se mettent en place, mais avec quelques espaces d’action.

La seconde partie, celle qui va plus nous intéresser ici, présente des possibilités pour agir et changer les choses! Le développement de l'agriculture biologique en est le cœur.

Pourquoi l'agriculture biologique doit-elle être développée selon vous ? Quels sont les points essentiels sur lesquels insister pour enfin convaincre tout un chacun?

L’agriculture biologique est le mode de production agricole le plus efficace pour protéger l’environnement et la santé. Il n’y a plus aucun doute sur ces aspects : les engrais et les pesticides bouleversent et détruisent la vie du sol, ainsi que les écosystèmes agricoles, sauvages et aquatiques. Par leur volatilité extrême, les pesticides se retrouvent dans l’air et les brouillards, et sont l’une des causes principales de l’augmentation des maladies neurologiques, de certains cancers, des maladies auto-immunes, etc. Toutes ces raisons imposent de trouver d’autres méthodes de production agricole. Or, elles existent, et sont regroupées depuis plusieurs décennies derrière le terme d’agriculture biologique (organic agriculture en anglais).

Une fois que l’intérêt environnemental et sanitaire de l’agriculture biologique est établi, la question fondamentale est de savoir si ce mode de production peut être développé à grande échelle. Là encore, la réponse est très positive. Toutes les études internationales sur les conséquences du développement de la bio prouvent qu’il est parfaitement possible de nourrir toute l’humanité (et même 9 à 12 milliards d’humains) avec la bio : études de l’université d’Essex, de l’université du Michigan, du Programme des Nations-Unis pour l’Environnement, du DARCOF (Danemark), du rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation… Cette capacité n’est pas surprenante sur le plan agronomique : la bio est la meilleure technique pour intensifier les « cultures associées », or ces cultures sont bien mieux adaptées aux ¾ de la planète que nos monocultures clonales hyper-mécanisées occidentales.

Il est donc à la fois nécessaire et possible de développer la bio à grande échelle. Mais pour cela, il faut d’abord commencer « ici et maintenant ».

Par quels moyens peut-on justement développer cette agriculture? Existe-il déjà des outils? Et comment les promouvoir ou les améliorer?

Pour un agriculteur déjà installé en agriculture conventionnelle, le passage en bio demande d’importants changements techniques, commerciaux et surtout psychologiques. Il est donc indispensable de sécuriser les agriculteurs sur tous ces points, avec des dispositifs de développement qui soient pérennes : rien n’est pire que le changement permanent qui fait craindre aux agriculteurs qu’ils risquent d’être lâchés à tout moment. Même en l’absence d’un plan de développement bio à la hauteur des ambitions officielles (20% de bio en 2020… mais la France ne s’est pas encore donné les moyens réels d’y parvenir), il est déjà possible d’agir à plusieurs niveaux.

La formation initiale et continue des agriculteurs est essentielle : une circulaire prévoit que tous les élèves agricoles reçoivent une initiation à la bio dans les lycées agricoles, mais elle est hélas très loin d’être appliquée partout.

Des « groupements d’agriculture biologique » existent dans tous les départements (ou à l’échelle régionale) : ils savent très bien accompagner les agriculteurs vers la bio, en leur apportant des conseils techniques et économiques, et en mettant en relation les agriculteurs « en conversion » avec des agriculteurs bio déjà expérimentés. Il est impératif de soutenir ces groupements.

La restauration collective peut être un très bon outil pour stimuler la demande de produits bio, mais à condition d’être liée à un développement local : il convient de travailler avec les paysans régionaux pour accompagner des conversions, et non pas d’importer de la bio de l’autre bout du monde.

Il existe bien sûr d’autres moyens d’action, détaillés dans le guide.

Vous abordez 2 sujets supplémentaires dans ce guide la protection de l'eau et la maitrise du foncier. Ces points sont repris dans la campagne initiée par Agir pour l'environnement « Développons l'agriculture biologique ». Pourquoi est-ce essentiel et comment peut-on agir?  

L’aide à l’installation et à l’accès aux terres est cruciale : de nombreuses personnes souhaitent s’installer en bio mais ne trouvent pas de terres, car ces dernières sont accaparées par les agriculteurs conventionnels qui agrandissent encore et encore leurs fermes. Des organisations comme « Terre de liens » aident à obtenir des terres, mais il est indispensable que les institutions agricoles réforment leur fonctionnement pour faire de l’installation une véritable priorité.

La protection de l’eau est à relier avec les dégâts sanitaires et environnementaux de l’agriculture conventionnelle : actuellement, les Agence de l’Eau utilisent l’essentiel de leurs financements pour dépolluer l’eau… alors qu’il serait bien plus économique à long terme pour la collectivité de faire de la prévention, en soutenant les pratiques non-polluantes. Les programmes d’action des Agences de l’Eau sont donc des outils déjà opérationnels, et potentiellement importants, pour orienter d’autres pratiques agricoles dans les régions sensibles. La bio y trouve de plus en plus sa place, mais des efforts sont encore nécessaires.

--

Achetez le Guide pratique - Cultivons les alternatives aux pesticides - de Jacques Caplat